Aujourd'hui j'ai vu...

Dans l'immense marché de Rungis, des mouettes par dizaines au-dessus d'une montagne de déchets. Elles attendent Noël et les restes de nos victuailles.

Aujourd'hui j'ai vu...

Dans le métro, encore, Chantal, l'oeil fou et doux, son pas chancelant à travers le wagon, cinquante ans peut-être. Elle vient au contact, touche les voyageurs, les oblige à la regarder, leur demande quelques pièces. Leur distribue, puisées dans un cabas, des feuilles où sont reproduites des paroles du Christ. Leur sourit.

Aujourd'hui j'ai vu...

Dans le métro, sur le quai, un homme pauvre effaré de fatigue, et de chagrin. Il est sans abri. Tous les jours, il vend L'Itinérant à la criée. Deux euros l'exemplaire.
Ce matin, donc, il a pris la liasse de journaux. De rage, il l'a fourrée dans son sac et dans l'escalator il a crié :

"La solidarité, tu parles... Qu'ils y viennent l'hiver, dans le froid ! "

Nous avons discuté.

"Je suis transparent. Avant les gens me voyaient - un peu. Maintenant, ils ne me voient plus. Je passe dans les wagons, toute la journée. Pas un mot, pas un regard. Comme un fantôme".

J'ai essayé de l'aider. Je suis reparti. Mais où allons-nous ?

Aujourd'hui j'ai vu...

Au supermarché, deux femmes vieilles, ratatinées et élégantes, devant le rayon des fromages :

- Tu sais ce que j'ai envie de faire ?
- ...
- Un énorme gâteau de pommes de terre